Une rivière qui s'écoule lentement.
Un premier chariot la traverse, à son rythme.
Puis un second.
Puis, beaucoup plus tard, un troisième, un peu à la traîne.
L'image est presque carrée, la caméra fixe, le son naturaliste, les dialogues minimalistes.
Avec ce long plan-séquence qui ouvre le film, le ton est donné.
La Dernière Piste fascine avant tout par son jusqu'au-boutisme.
Chez Kelly Reichardt, réalisatrice de films indépendants soutenue depuis ses débuts par le festival de Sundance, pas de compromis ni de soumission à une quelconque facilité. Pendant plus de deux heures, elle nous invite à suivre trois chariots et leur demi-douzaine d'occupants pour une lente errance dans les prairies de l'Ouest américain, et rien d'autre. Pas de rencontre avec d'autres pionniers, ni de ravitaillements en ville, ni de lumière qui brillent au loin dans la nuit. Ils sont seuls, livrés à eux-mêmes, et nous avec eux.
Le film est lent, contemplatif de paysages volontairement mornes et répétitifs. En prenant son temps, la réalisatrice nous en offre. Certains refuseront sans doute ce rythme particulier, mais ceux qui l'accepteront entreront dans une transe hypnotique dans laquelle le temps se déforme, et la perception sensorielle des images et des sons est exacerbée.
Durant les premières scènes, le choix d'une image très "carrée" (4/3) perturbe un peu, mais, petit à petit, ce choix audacieux et surprenant pour un film de grands espaces prend tout son sens. La réalisatrice n'est pas là pour nous offrir une ballade touristique dans les magnifiques paysages, mais pour nous imposer un voyage âpre et angoissant dans des décors immenses, monotones et inconnus. Et cela fonctionne. La tension est là, palpable, toujours plus intense. Le danger, animal ou humain (comprendre indien), peut surgir à tout moment, derrière chaque colline, au bout de chaque virage. Avec cette image carrée, nous sommes comme les pionniers que nous suivons, nous ne maitrisons que ce qui est juste à proximité d'eux. Tout le reste est inconnu et danger.
Et lorsqu'un Indien, perdu lui aussi, croise leur chemin, le film devient moins naturaliste pour se consacrer à une thématique humaine universelle: la peur de l'autre, de l'inconnu, de l'étranger.
Un sujet plus que jamais d'actualité.
Un film minimaliste et âpre sur le rapport entre l'Homme et les grands espaces.
La Dernière Piste / Meek's cutoff, un film de Kelly Reichardt, sorti en 2010.
Disponible en DVD/Blue Ray/VOD
Sur ce site, pour les amoureux des films contemplatifs:
FILM: La Tortue Rouge
DOC: Two Years at Sea
FILM: Le Mur Invisible
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