Un roman et un film, portés par deux regards finalement assez différents, pour ce qui restera comme une des rares adaptations cinématographiques d'un classique de la littérature à la hauteur de l'œuvre originale.
Le roman de Michael Punke, plus récent qu'on pourrait le penser, est avant tout un roman historique, qui relate les aventures d'Hugo Glass, personnage légendaire américain qui nourrit depuis des générations les longues soirées au coin du feu. Le récit nous plonge au milieu du XIXe siècle, à l'époque des pionniers de la conquête de l'Ouest, et s'intéresse en particulier aux chasseurs de peaux qui risquaient leur vie dans des conditions extrêmes pour gagner chichement leur vie. Nous suivons donc l'histoire d'Hugo Glass, laissé pour mort seul dans la forêt. Sa volonté inébranlable de survie le fera entrer dans la légende de l'Ouest. Si Hugo Glass est le personnage principal du roman, Michael Punke s'intéresse à tous les autres personnages de manière assez équilibrée, ce qui ne sera pas le cas dans le film. Il prend le temps de nous raconter leur vie, leur parcours jusqu'au drame qui les relie les uns aux autres, de manière réaliste et érudite. Ce voyage à la fois humain et historique se révèle passionnant d'un bout à l'autre, jusqu'à la résolution du drame, traitée avec fatalisme et douceur.Le film inspiré de The Revenant est à la hauteur du roman, sans doute parce qu'il emprunte une autre voie. Alejandro Innaritu, son réalisateur, nous plonge dans un récit plus violent, dans un véritable film de survie, auquel il y ajoute une dimension mystique et spirituelle due au long séjour de son héros chez les Indiens. Il lui invente un fils métis, dont la mort devient la véritable cause de sa soif de vengeance, et donc de sa lutte pour sa survie. Et de ce point de vue, le film est à la hauteur de nos espérances: nous sommes vraiment avec Hugo Glass, into the wild, dans l'instant présent, pour une démonstration de survie à ciel ouvert dans des conditions vraiment extrêmes. Tout d'un coup, cet Ouest américain objet de tous les fantasmes devient âpre, douloureux, et tellement loin de tout.
Le film est porté par l'incroyable prestation de Léonardo Di Caprio, mais peut-être plus encore par les seconds rôles, tous épatants, avec à leur tête un Tom Hardy ahurissant, et un ours stupéfiant. La réalisation en longs plans-séquences de Alejandro Innaritu, l'incroyable travail à la lumière du chez opérateur Emmanuel Lubezki, la musique sobre et habitée de Ryuichi Sakamoto et Alva Noto, font de The Revenant un film audacieux et jusqu'au-boutiste, comme le cinéma n'en produit que rarement depuis la fin de l'âge d'or des années 70. La fin, plus violente que dans le roman, et l'ultime regard d'Hugo Glass à la caméra semblent nous interroger, nous spectateur, sur notre propre capacité à survivre à cette nature magnifique et hostile.
Quelques mots sur le making of, lui aussi plutôt réussi, et qui revient sur la portée historique et ethnologique du film, en le ramenant à une oeuvre sur les débuts de l'impérialisme capitaliste outrancier, à travers les débuts du pillage des richesses de la nature (les fourrures) sur les territoires des Indiens natifs. Ces précisions éclairent le film sous un angle nouveau qui le rend encore plus passionnant.
Un film et un roman captivants, sur une époque et sur la survie en milieu naturel hostile. Deux voyages âpres et profonds.
The Revenant, un film d'Alejandro González Iñárritu sorti en février 2016.
Disponible en DVD/BlueRay/VOD
La bande annonce:
The revenant, un roman de Michale Punke.
Première éditions au Etats Unis en 2002.Edition française Presse de la Cité 2015.
Disponible en livre de poche.
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